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Coup d’Etat au Burkina : Le CND tente de museler la presse

Plusieurs médias ont reçu la visite des éléments du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) dès l’arrestation des autorités de la transition. Ces médias, notamment les radios ont été sommées de cesser toute émission. Ces décisions semblent donner raison à ceux qui croient que le Conseil national pour la démocratie (CND) veut faire taire les médias nationaux, souvent dans la violence.

Après le coup d'Etat le général et ses soldats n'ont se sont pris aux médias
Photo J. Lompo Après le coup d’Etat le général et ses soldats s’en sont pris aux médias

 

Faire taire toute voix discordante. C’est l’objectif visé par ceux qui tentent par tous les moyens d’annihiler l’action des médias. Après l’arrestation des autorités de la transition, les médias ont été les premières cibles de musellement du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) et le Conseil national pour la démocratie (CND). Tour à tour, ils ont procédé à une fermeture systématique des stations de radio. Surtout celles qui condamnaient le passage en force du RSP. Omega FM, Radio liberté, Ouaga FM, Savane FM pour ne citer que celles-ci, ont été forcées de cesser d’émettre.

Cette fermeture est souvent accompagnée de violence. C’est le cas de la radio Oméga FM où après fermeture, « les soldats ont mis le feu aux motos de certains journalistes », selon un animateur de la station radio. Pour m’assurer de la véracité de l’information, j’ai appelé un journaliste de cette station qui m’a confirmé, encore sous le choc que, quatre à cinq motos ont été brûlées.

Dans un communiqué, l’association des professionnels des médias a d’ailleurs condamné cette attitude. « Ils font irruption dans certaines radios et télévisions de la capitale où ils ont déjà fait arrêter manu militari les émissions, brutalisé certains journalistes ou confisqué leur matériel de travail. A la radio Oméga FM, ils ont même incendié les motos du personnel avant de quitter les lieux », explique l’association. Ouaga FM, Savane FM ont aussi connu des incendies.

La « radio de la résistance »

C’est dans ce contexte de fermeture presque totale des stations radio, qu’une autre est née: la radio de la résistance. Elle a été créée au deuxième jour du soulèvement du peuple burkinabè contre le coup d’Etat.Personne ou très peu de gens savent où elle est localisée. Dans la clandestinité, elle émet sur 108.0 FM. Durant toute cette journée, elle diffuse les messages de la résistance notamment les déclarations du président du Conseil national de la transition (CNT), Shérif Sy.

Le CNT fait figure d’Assemblée nationale puisqu’il regroupe les députés de la transition. En l’absence du chef de l’Etat, Shérif Sy, président du parlement intérimaireappelle toutes les composantes de la population à rejeter et à résister face à la forfaiture du RSP. La radio de la résistance, comme son nom l’indique, est dès lors la voix des résistants. La voix de ceux qui disent non au coup d’Etat et appellent au rétablissement du gouvernement et aux autres institutions de la transition.

Mais hélas ! Cette voix a aussi été coupée. La radio de la résistance a cessé d’émettre depuis samedi 19 septembre 2015.

La revanche des réseaux sociaux

Journalistes, activistes et autres « résistants » prennent leur revanche sur internet. La radio Oméga a pu renaître de ses cendres sur la Toile. Facebook et Twitter sont donc devenus les nouveaux canaux par lesquels, on informe et l’on s’informe.

Même si certaines de ces informations sont difficiles à vérifier, les réseaux sociaux demeurent, à l’heure où je trace ces lignes, le moyen le plus adéquat pour s’exprimer librement. Et le peuple burkinabè en profite pour contourner la censure du général et de ses bidasses. Les images de la mobilisation dans les autres villes, les déclarations à la résistances sont continuellement diffusées sur les réseaux sociaux.

Ouahigouya, Fada N’Gourma, Bobo-Dioulasso, Gaoua etc. Toutes les localités du pays montrent leur engagement et détermination contre le coup de force.

 


Situation au Burkina : le Coup d’Etat confirmé par le CND

Un homme en tenue militaire du Régiment de sécurité présidence (RSP) annonce la dissolution du gouvernement et des autres institutions. Il annonce aussi la création d’un Conseil national pour la démocratie (CND).

Le Gl Diendéré est annoncé à la tête du CND
Le Gl Diendéré est annoncé à la tête du CND

« Aujourd’hui 17 septembre 2015, les forces patriotiques et démocratiques alliant toutes les composantes de la nation et réunies au sein du Conseil National pour la Démocratie (CND) ont décidé de mettre un terme au régime déviant de la transition », a déclaré l’officier sur les antennes de la télévision nationale. C’était attendu depuis l’annonce de l’arrestation du président du Faso, de son Premier ministre et deux autres ministres. Ce que l’on redoutait vient de se confirmer. Le coup d’Etat vient d’être annoncé par un officier en tenue du Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP). L’homme annonce la dissolution des institutions du gouvernement de transition, le Conseil national de la transition (CNT) :

  • Premièrement, le Président de la transition est démis de ses fonctions –
  • Deuxièmement, le gouvernement de transition est dissous –
  • Troisièmement, le Conseil national de transition est dissous –
  • Quatrièmement, une large concertation est engagée pour former un gouvernement qui se dévouera à la mise en norme politique pour aboutir à des élections inclusives et apaisées

Ce Conseil national pour la démocratie accuse la transition d’avoir détourné la révolution des objectifs du peuple burkinabè. « Instauré à la suite de l’insurrection victorieuse du peuple des 30 et 31 octobre 2014, le régime de transition s’est progressivement écarté des objectifs de refondation d’une démocratie consensuelle ». « La loi électorale, taillée sur mesure pour des individus et décriée par les instances et les hommes de droit, se dresse alors comme un outil de négation des valeurs de notre peuple, fondées sur l’esprit de justice, d’équité et de tolérance », a-t-il poursuivi. Le CND voudrait également rassurer la communauté régionale et internationale, les partenaires au développement de sa détermination à respecter les accords qui engagent le Burkina Faso.

Il demande le soutien du peuple burkinabè : « Le Conseil national de la démocratie appelle tous les Burkinabè à soutenir activement et massivement, dans un esprit de tolérance, le processus de reconstruction engagé dans le calme, la discipline et le travail ». Pendant ce temps dans les médias internationaux, responsables politiques et de la société civile appellent le peuple burkinabè à la résistance. Il faut sauver le peuple burkinabè disent-ils en substance. Et pour cela ils appellent leurs militants, leurs partisans à rester mobilisés.

Sur la télévision nationale, des communiqués du CND annoncent la désignation du Général Gilbert Diendéré comme président, l’instauration d’un couvre-feu, la fermeture des frontières et appellent les secrétaires généraux des ministères à assurer les affaires courantes. Gilbert Diendéré est un proche de Blaise Compaoré, ancien chef d’Etat major particulier de la présidence. Il est aussi proche du président du CDP, Eddie Komboigo. Pendant ce temps, les courses poursuites continuent dans les rues de Ouagadougou et les coups de feu se font entendre dans les quartiers au moment où nous traçons ces lignes.


Burkina: le parti de Blaise Compaoré menace de boycotter les élections

Décidément l’actualité politique évolue très vite à Ouagadougou. Alors que je me penchais sur les favoris de la présidentielle d’octobre 2015, une nouvelle est tombée. Le Conseil constitutionnel a déclaré inéligibles aux législatives plusieurs candidatures du parti de Blaise Compaoré et de ses acolytes.

Ils sont arrivés au siège de leur parti avec un air détendu, l’esprit serein. Certains prenaient le temps de faire le V de la victoire face aux caméras de médias étrangers présents. Mais en réalité, cette victoire n’est plus à l’ordre du jour au Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Ils viennent de recevoir un coup de massue sur la tête. A telle enseigne que les visages n’ont pas tardé à se fermer. Le Conseil constitutionnel a déclaré inéligibles aux élections législatives une quarantaine de candidatures de l’ex-majorité. Et les déclarations qui fusent ne sont pas de nature à apaiser la situation.

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Le CDP réfute la décision du Conseil constitutionnel et menace de se retirer des élections.

« Si nos membres exclus des élections ne sont pas réintégrés, nous n’irons à aucune élection. Nous n’avaliserons pas une opération de transmission du pouvoir maquillée en élections ». C’est en résumé, ce qui ressort de la déclaration liminaire du groupe du 9 avril, lue par Achille Tapsoba du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP).

Parmi les exclus deux candidats qui briguaient aussi la magistrature suprême : Gilbert Noël Ouédraogo, chef de l’Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA) et Eddie Constance Komboïgo à la tête du CDP.

Le CDP ne compte pas rester sans rien faire. Selon les membres du parti présents à la conférence de presse, ils mèneront des actions dans les jours à venir pour que leurs candidats soient réintégrés. Si le Conseil constitutionnel semble ne pas avoir pris en compte la décision de la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), l’ex-parti au pouvoir met son dernier espoir dans les mains de la communauté internationale. « Nous lançons un appel aux chefs d’Etat de la Cédéao et à la communauté internationale à faire respecter la décision de la Haute Cour de justice de la Cédéao ». Au plan national, ils mobilisent leurs militants contre cette décision : « Nous appelons nos militants à refuser avec détermination cette dérive très grave à notre démocratie », ont-ils déclaré.

Enfin, le Congrès pour la démocratie et le progrès envisage de lancer une campagne de désobéissance civile sur toute l’étendue du territoire national. « Nous appelons nos militants de même que tous les défenseurs de la démocratie, sur toute l’étendue du territoire, à entreprendre toute action entrant dans le sens de la désobéissance civile », a annoncé Achilles Tapsoba.

Reste à savoir si avec cette situation, les proches de Blaise Compaoré peuvent encore mobiliser des troupes. Qui est encore prêt à prendre des risques pour le CDP. A moins d’un mois de l’ouverture de la campagne électorale des élections couplées législatives et présidentielle, le pays a plus que besoin de calme et d’apaisement.

 


Présidentielle au Burkina : les favoris, les faiseurs de roi et les tocards

Dans un pays où le cheval est un symbole important, il n’est donc pas étonnant ni outrageux de faire une comparaison entre la course à la présidence du Faso et la course hippique. Après avoir fait partir l’homme fort, Blaise Compaoré, les Burkinabè se préparent à élire un nouveau président le 11 octobre 2015. Ils pourraient choisir parmi 22 candidats si toutefois toutes les candidatures sont validées. Mais comme au pari hippique, tous les candidats n’ont pas les mêmes performances. Il y a donc des favoris, des faiseurs de roi et des tocards.

La course pour la présidence du Faso est lancée après le départ forcé de Blaise Compoaré
La course pour la présidence du Faso est lancée après le départ forcé de Blaise Compoaré

1. Les favoris

Zéphirin Diabré de l’Union pour le changement (UPC), créée seulement en 2010. L’ancien chef de file de l’opposition a le mérite d’avoir réorganisé l’opposition pour dire non à la mise en place du Sénat et à la modification de l’article 37 de la Constitution. Ministre du Commerce, de l’Industrie et des Mines de Blaise Compaoré entre 1992 et 1994, Il a par la suite occupé des postes importants à l’international : directeur Afrique et Moyen-Orient d’Areva (2006-2011), directeur général adjoint du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), à New York, de 1999 à 2006. « Zeph » est considéré comme le candidat favori.

Rock Marc Christian Kaboré. Il se présente sous la bannière du Mouvement pour le peuple (MPP). Pendant le règne de Blaise Compaoré, il a occupé l’important poste comme premier ministre et a été président de l’Assemblée nationale . C’est en janvier 2014 que Rock Marc Christian Kaboré, Salif Diallo et Simon Compaoré ont quitté le navire Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) pour créer leur parti. Ils sont considérés comme ceux qui ont participé activement à asseoir la domination de l’ancien parti au pouvoir. Ils ont réactivité leurs anciennes bases et il faudra compter avec eux pour cette présidentielle.

2. Les faiseurs de roi

  • Ablassé Ouédraogo, du Faso autrement. Sauf surprise, y compris pour lui-même, il ne sera pas élu. Mais il pourra être utile aux autres candidats en cas de deuxième tour. Il a été ministre des Affaires étrangères et occupé des postes internationaux.
  • Eddi Komboïgo est le candidat du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), l’ancien parti de Blaise Compaoré. Eddi Komboïgo est perçu comme un candidat par défaut. L’homme serait un ami intime de Gilbert Diendéré, ancien chef d’état-major particulier et bras droit de Blaise Compaoré. En dépit de la situation défavorable, le CDP pourrait quand même jouer un rôle important en cas de second tour.
  • Gilbert Noel Ouédraogo est le candidat de l’Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA) (ADF/RDA). Le parti de l’éléphant a perdu sa force dans les évènements des 30 et 31 octobre 2014. Fils de l’ancien premier ministre Gérard Kango Ouédraogo, à 46 ans Gilbert Noël se présente pour la première fois après avoir soutenu la candidature de Blaise Compaoré à deux reprises.
  • Ces deux partis alliés n’ont peut-être plus la force de conquérir le pouvoir, mais ils peuvent aider à le conquérir.
  • Me Bénéwendé Stanislas Sankara de l’Union pour la renaissance/ Parti sankariste (UNIR/PS) sera probablement faiseur de roi. Il s’est fait connaître en défendant les dossiers sérieux comme ceux de Thomas Sankara et de Norbert Zongo. Ayant activement participé à la lutte contre la modification de l’article 37, il est en mesure de rallier des électeurs, mais pas en nombre suffisant pour le conduire au palais présidentiel. Sa tentative de regrouper les autres partis sankaristes autour de sa candidature a échoué. Il pourrait bénéficier du soutien de Mariam Sankara, la veuve de Thomas Sankara. Il a déjà été candidat aux présidentielles de 2005 et 2010.

3. Les tocards

  • Adama Kanazoe. Membre de l’Alliance des jeunes pour l’indépendance et la République (AJIR), trentenaire,il est appelé à jouer un rôle important dans un proche avenir. Mais cette année, la course sera très difficile pour ce jeune étalon.
  • Issaka Zampaligré est un candidat indépendant. Sauf séisme, ce cinquantenaire ne devrait pas terminer premier de la course à la présidence du Faso.
  • Françoise Toe, Victorien Tougma, Salvador Maurice Yaméogo partent d’ores et déjà perdants pour cette élection. Candidats indépendants méconnus ou de partis politiques peu connus, ils pèseront peu, même en cas de jeux des alliances.


Deux anciens dignitaires de Blaise Compaoré mis aux arrêts au Burkina

Jérôme Bougouma et Jean Bertin Ouédraogo sont transférés à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (Maco). Ces anciens ministres de Blaise Compaoré sont accusés de détournement de deniers publics et d’enrichissement illicite.

Ils avaient déjà été interpellés en avril 2015, mais relaxés pour vice de forme. L’ancien ministre de l’Administration territoriale et de la Sécurité, Jérôme Bougouma et l’ancien ministre des Infrastructures, du Désenclavement et du Transport, Jean Bertin Ouédraogo ont été arrêtés et transférés à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (Maco) le 14 août 2015. Le troisième, Arthur Kafando ancien ministre du Commerce qui devrait aussi être entendu par la Haute Cour de justice ne s’est pas présenté. Il aurait quitté le pays.

 

Ces anciens ministres sont accusés de détournements de deniers publics et d'enrichissement illicite
Ces anciens ministres sont accusés de détournements de deniers publics et d’enrichissement illicite

Ils sont tous accusés de détournement de deniers public et d’enrichissement illicite. Jérôme Bougouma, ancien ministre de l’Administration du territoire et de la Sécurité est accusé de détournements de deniers publics et d’enrichissement illicite portant sur la somme de trois milliards de francs CFA. L’ancien ministre des Infrastructures, Jean Bertin Ouédraogo est accusé de  détournement de deniers publics et enrichissement illicite portant sur 1.000.000.000 FCFA ». Les charges retenues par le Conseil national de la Transition contre l’ancien ministre du Commerce, Arthur Kafando sont : « faux et usage de faux, détournement de deniers publics portant sur la somme de 78.865.595 FCFA ». Ils risquent 5 à 20 ans de prison s’ils sont reconnus coupables des faits qui leur sont reprochés.

En avril dernier, ils avaient été relaxés parce que les membres de la Haute Cour de justice, la seule habileté à juger les anciens ministres sur des faits commis dans l’exercice de leur fonction,  n’étaient pas installés. Mais cette cour composée a été installée le 17 avril 2015.

Ces trois personnalités du régime de Blaise Compaoré ne sont pas les seuls. D’autres dossiers seraient en cours contre d’autres dignitaires dont Blaise Compaoré lui-même et son premier ministre Luc Adolph Tiao. Ils sont accusés de  « coups et blessures volontaires, assassinats et complicités de coups et blessures et d’assassinats ».