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Attaques à Ouagadougou : le Burkina touché mais debout !

Le Burkina Faso a été touché par les attaques terroristes le vendredi 15 janvier 2016. Cette attaque menée à Splendid hôtel, et plusieurs autres endroits de la capitale, a causé la mort de 29 innocents. Les victimes seraient d’une dizaine de nationalités. Une attaque est d’une horreur sans précédent au Pays des hommes intègres.

Au fur et à mesure que les jours s’écoulent, l’on découvre l’horreur des attaques de Splendid hôtel et du Cappuccino de Ouagadougou. Sur les réseaux sociaux, des images de certaines victimes ont circulé. Et l’on se dit que Splendid hôtel ou l’avenue Kwamé N’Krumah ou encore le Cappuccino sont lieux où tout Ouagalais pouvait se trouver. Soit pour une conférence de presse, soit pour participer à un séminaire soit pour diner avec des amis ou tout simplement de passage sur l’une des avenues les plus fréquentées de la capitale burkinabè. Et c’est là que les terroristes ont frappé. Le bilan officiel fait état de 30 morts et de nombreux blessés. Le récit des témoins montre la violence de cette attaque et l’intention diabolique des assaillants dont l’objectif était de faire le plus victimes possible. « « Ils sont entrés et ont tiré à bout portant sur les hommes couchés à terre »

JA
Photo Jeune Afrique L’intervention des forces de défenses burkinabè et des forces françaises et américaines a permis de limiter les pertes en vies humaines

Les attaques de Ouaga, une surprise ?

On savait le Burkina Faso menacé. La situation sécuritaire de la sous-région, les attaques menées déjà contre les forces de défense et de sécurité notamment les gendarmeries de Samorogouan et d’Oursi en 2015 montraient déjà que le pays était dans le viseur des terroristes. Le pays se savait menacé mais personne ne pensait que cela allait se produire au cœur de Ouagadougou. D’ailleurs dans la même matinée des gendarmes ont été la cible d’une attaque dans une localité frontalière du Mali. Le « bilan provisoire » est de « deux morts, un gendarme et un civil, et deux gendarmes blessés, dont un grave ». En avril 2015, le chef de sécurité roumain de la mine de manganèse de Tambao (nord), avait été enlevé. L’action est revendiquée par Al-Mourabitoune. Tout cela avait conduit certaines ambassades à interdire une grande partie de l’extrême nord du pays à leurs ressortissants. Dès lors beaucoup d’observateurs et de citoyens s’inquiétaient de ces attaques et demandaient les mesures de sécurité soient renforcées. C’est le cas du blogueur Boukari Ouédraogo.

Les raisons de l’attaque…

Beaucoup soutiennent que l’attaque visait les ressortissants occidentaux. Cela n’est pas faux. Mais une attaque sur le sol du Burkina vise après tout le pays concerné. Après tout, le Burkina a ce qu’Aqmi déteste. Le pays a une forte présente de soldats au Mali dans le cadre de la mission de maintien de la paix sous mandat de l’Onu. Avec un total de 1727 militaires et policiers burkinabés, le Burkina Faso dépasse le Bangladesh (1714 hommes), jusque-là premier fournisseur mondial de troupes à la MINUSMA, et le Tchad (1112 hommes) qui conservait le leadership africain au sein de la mission onusienne en terre malienne. Et depuis plusieurs années, le Burkina Faso est aussi un point stratégique dans la lutte contre le terrorisme. Les troupes françaises ont fait du pays un « point d’appui permanent » de l’opération française Barkhane. Les forces américaines sont aussi présentes dans la cadre de la lutte contre le terrorisme. En plus de cela, de par sa situation géographique, le Pays des hommes intègre constitue depuis quelques années une cible pour les terroristes. Le pays fait frontière avec le Nord du Mali sur plus de 1000 km. Mais jusque-là, ils avaient échoué dans leur tentative. Les djihadistes veulent profiter la situation semer la peur et la haine afin de déstabiliser le pays. Ainsi, ils pourront assouvir les besoins diaboliques. Le pays sort d’une transition d’une année, le nouveau gouvernement n’est pas encore installé et l’espoir d’une stabilité politique et du développement commençait à naître chez les Burkinabè. En plus cela, les Burkinabè chrétiens, animistes, musulmans, vivent sans difficultés. Tout ceci représente ce que les terroristes n’aiment pas : la paix. Leur objectif étant de semer le chaos afin de s’emparer une partie du pays.

L’après-attaque

« Le peuple burkinabé a [trop] chèrement conquis sa liberté pour se laisser divertir par des actions terroristes », a déclaré le président Roch Marc Christian Kaboré, soulignant que “la position du pays l’expose au terrorisme ». La menace terroriste est réelle pour le Burkina, comme pour plusieurs pays d’Afrique et d’ailleurs. C’est dans la solidarité, l’union des forces au plan nationale et international que les pays de la sous-région s’en sortiront. J’ai vu la peur dans les yeux des Burkinabè, mais j’ai surtout vu de la colère. Une colère contre les forces du mal, une colère qui pousse à s’engager davantage à lutter contre cette haine. A l’image de cet homme de la sécurité privée, qui a participé aux opérations de libération des otages.

Ce sentiment de colère, loin de diviser le peuple burkinabè, renforce sa solidarité. A chaque fois que des gens, sans raison aucune, veulent mettre le pays en sang, le peuple burkinabè s’est montré solidaire et courageux.

Il est vrai que le patriotisme ne suffit pas pour vaincre ces gens-là. C’est pourquoi le pays devra renforcer sa sécurité, son renseignement et sa coopération avec les pays voisin notamment dans le cadre du « G5 ».

On en sait en un peu plus

Découvrir le mode d’action des terroristes peut permettre de mieux les contrer. Et de démanteler leurs réseaux. Dans ce sens l’enquête semble avancer sur le terrain. Plusieurs personnes ont été interpellées dans le cadre de l’enquête sur les attaques de Ouagadougou. Selon Rfi, une vidéo de surveillance de Splendid hôtel a été récupérer et les experts sont en train de l’interroger.

 

 


Burkina Faso : Le Top 7 des défis du président Roch

Le nouveau président, Roch Marc Christian  Kaboré, a été investi le 29 décembre 2015, élu avec 53,49% des suffrages. C’est donc lui que le peuple burkinabè a choisi pour diriger sa destinée pour les cinq prochaines années. C’est incontestablement une victoire pour l’ancien partisan de Blaise Compaoré. Mais en réalité, le Roch doit relever de nombreux défis.  Voici le top 7 des défis à relever par le nouveau président du Burkina nouveau.

  1. La justice

Le président Roch Marc Christian Kaboré est très attendu sur le plan de la justice. Le manque de justice était l’une des raisons de la déchéance du précédent régime. Deux ou trois dossiers requièrent une attention particulière de la part des citoyens burkinabè. Il s’agit des dossiers Thomas Sankara, Norbert Zongo et de la tentative de coup d’état du général Gilbert Diendiéré. Les deux premiers dossiers ont connu une avancée sous la transition notamment avec trois inculpations dans l’affaire Norbert Zongo. Tous appartiennent à l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Le dossier Thomas Sankara a aussi connu une avancée avec l’exhumation des supposées tombes de l’ancien président et ses camarades suivi de tests. Plusieurs personnes sont inculpées dans cette affaire aussi, en majorité des membres de l’ex-RSP, dont le général putschiste Gilbert Diendiéré. Un mandat d’arrêt international a d’ailleurs été émis contre Blaise Compaoré lui-même dans l’affaire Thomas Sankara. A cela s’ajoute d’autres dossiers de crimes économiques ou de sang perpétrés au cours du règne de Blaise Compaoré.

Les Burkinabè attendent que les dossiers qui suivent leur cours ne soient pas bloqués par le nouveau président ou ses proches collaborateurs et que surtout d’autres dossiers s’ouvrent. Le Roch déclarait déjà ceci durant sa campagne : « Je prends l’engagement qu’une fois que nous serons élus il y aura justice et réparation pour tous ceux qui sont tombés sous ces balles et leurs familles. ».

2. L’emploi

Selon les autorités de la transition, le taux de chômage est de 2, 2 % en milieu rural et 8,3% en milieu urbain. Cette situation touche plus les jeunes diplômés. « Le taux de chômage augmente avec le niveau d’éducation. Les jeunes diplômés du supérieur sont les plus touchés avec un taux de chômage de 34,5%. 17, 2% pour le secondaire et 11,3% pour le primaire ». Avec une population à majorité jeune, il est nécessaire, sinon indispensable, de trouver une solution au chômage des jeunes. Durant sa campagne, Roch Marc Christian Kaboré a promis de créer des emplois pour les jeunes. C’est donc évident que tous les jeunes sans emploi l’attendent au tournant. Les jeunes, diplômés comme sans diplômes, espèrent que le nouveau président  va créer de nouveaux emplois afin de mettre fin à leur précarité. D’ailleurs dans son programme de société, le Roch prévoit créer « dans le secteur de la lutte contre le chômage, plus de 16 000 emplois seront mis en œuvre dès l’entame de son mandat ».

Photo Facebook  Le président Roch Marc Christian Kaboré à son investiture
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Le président Roch Marc Christian Kaboré à son investiture

3. Les besoins de base

Durant la campagne les populations ont exprimé leurs besoins aux différents candidats. Elles veulent tout simplement se faire soigner quand elles sont malades, amener leurs enfants à l’école et avoir accès à l’eau potable et l’assainissement. Des besoins sur lesquels le candidat avait fait des promesses lors de sa campagne. Maintenant élu, Roch Marc Christian Kaboré devrait s’atteler à mettre en œuvre son programme pour alléger la souffrance des populations urbaines et rurales notamment en matière de santé.

Le secteur de l’éducation connait des difficultés depuis plusieurs années. Le fameux continium du primaire, le système LMD qui stagne à l’université ou le manque de professionnalisation du système éducatif sont autant des problèmes qui doivent trouver solutions.

En matière santé de santé les populations attendent un équipement des centres de santé et surtout une meilleure organisation du système de santé pour que des gens ne meurent pas par manque de soin.

4. La grogne sociale

« La maladie ne connait pas une période de grâce, la faim et la misère encore moins. Donc comprenez que la levée du mot d’ordre de grève n’est pas un processus pour conférer une période de grâce à qui que ce soit », a lancé le président de mois des centrales syndicales et syndicats autonomes, Bassolma Bazié.  En ce moment plusieurs institutions publiques ou privées connaissent des mouvements de grève. Il s’agit entre autres de la SN SOSUCO, ou du licenciement du personnel de 2iE où le gouvernement tente depuis plusieurs mois de trouver des solutions. A l’université, les étudiants s’insurgent contre la mauvaise application du système LMD. Certains demandent purement sa suspension. L’Unité d’action syndicale (UAS) a d’ailleurs invité les nouvelles autorités à se pencher sur les préoccupations essentielles des travailleurs car le climat social en dépend. Autant dire que les nouvelles autorités n’auront pas de répit. Elles ont du pain sur la planche. Et il faut travailler à résoudre ce qui peut l’être dans les brefs délais.

5. La bonne gouvernance

Le régime de Blaise Compaoré a « péché » en matière de gouvernance. La mal gouvernance est aussi l’une de causes de sa chute. Le peuple avait l’impression que les partisans du pouvoir étaient des êtres supérieurs. Ils pouvaient tout sans être inquiétés par la justice. Les détournements, la corruption, les abus de pouvoirs et les crimes restés impunis ont fini par exaspérer le peuple. La suite, on la connait. Avec Roch, le peuple attend à ce que ces maux ne soient plus cités dans la cité. Promouvoir celui qui le mérite, rendre justice à la neuve et à l’orphelin, la transparence dans la gestion de la chose publique, c’est ce que les Burkinabè attendent du nouveau gouvernement. Il est évident que cela ne peut se faire par une baguette magique, mais le peuple a besoin de savoir que ses dirigeants sont résolument engagés sur cette voie. C’est en cela que Roch et les autres feront une différence d’avec leur ancien chef, Blaise Compaoré.

6. La sécurité

Au cours de l’année 2015, le Burkina Faso a connu plusieurs attaques attribuées à des « groupes terroristes » à l’Ouest et dans la région du Sahel. Ces deux attaques ont fait des morts et démontrent que le pays doit davantage faire des efforts en matière de sécurité notamment des zones frontalières. Jusqu’à présent l’on s’interroge sur l’identité réelle des auteurs des attaques. Mais ce qui est évident, avec l’état actuel de la sous-région, nul doute que le nouveau gouvernement doit renforcer la sécurité du pays.

L’investiture de Roch Marc Christian Kaboré se tient à moins d’une semaine après que les forces armées nationales aient affirmé avoir déjoué une tentative de libération des généraux Gilbert Diendiéré et Djibril Bassolé. Les deux sont inculpés dans le cadre de la tentative du coup d’état de septembre dernier. Ce qui signifie que même à l’interne, il faut poursuivre les investigations pour démasquer tous ceux qui agissent contre la sécurité du pays. A cela s’ajoute les bandits de grands chemins qui sévissent dans certains régions du pays. Il faut éradiquer tout cela.

Une tentative de libération des généraux Gilbert Diendéré et Djibril Bassolé a été déjouée selon les forces armées du pays.
Une tentative de libération des généraux Gilbert Diendéré et Djibril Bassolé a été déjouée selon les forces armées du pays.

7. Restaurer l’autorité de l’Etat

L’un des défis du nouveau  gouvernement est la restauration de l’autorité de l’Etat. Mais cela passe aussi par un bon comportement des gouvernants. Comme un de mes professeurs aimait le dire, « l’exemple vient d’en haut, le suivi, d’en bas ». Si les premiers responsables donnent l’exemple d’une bonne gouvernance, ils pourront ainsi inspirer les autres ou sévir contre toute forme de mal-gouvernance à quelque niveau que ce soit. Il faut travailler à redonner force à la loi, amener les citoyens à comprendre que le respect de la loi, c’est pour le bon fonctionnement du pays.


Blessés de l’insurrection populaire : héros, mais toujours souffrants

Une année après l’insurrection populaire qui a conduit à la chute de Blaise Compaoré et son régime, pour certains blessés la douleur physique est toujours présente.

Au moment où les honneurs se multiplient à l’endroit des martyrs et les blessés de l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014, il y en a qui souffrent encore physiquement et moralement. Sont de ceux-là, le petit Abass. Il y a une année, il était élève en classe de 5e. Il se souvient des événements comme si c’était hier. C’était dans les environs de l’aéroport de Ouagadougou.

Photo J. Lompo Une année après l’insurrection Abass, ici avec son père, doit poursuivre les soins.

« J’étais à Loumbila. Des amis m’ont parlé de l’insurrection qui était en cours. Je suis venu à Ouagadougou et nous sommes allés vers l’aéroport. Entre-temps avec un ami nous avons décidé de revenir à la maison. C’est en revenant que les militaires ont tiré sur moi. Quand j’ai entendu le coup de feu, je n’ai pas su que j’étais atteint. Je suis tombé dans un fossé. Quand les choses se sont calmées, j’ai essayé de me lever et je n’ai pas pu. C’est en ce moment que j’ai su que mon pied était cassé. J’ai appelé mon père. Mais avant qu’il ne vienne, les gens m’avaient emmené à Saint-Camille puis à l’hôpital Yalgado. Là-bas aussi, comme je suis petit, j’ai été dirigé vers la pédiatrie. J’ai été hospitalisé pendant 55 jours ».

Son état préoccupant avait amené les autorités à l’évacuer au Maroc pour une intervention chirurgicale. Selon son père, les autorités ont pris en charge tous les soins. Il en profite pour les remercier. Mais l’enfant doit poursuivre les soins, il devrait à nouveau se rendre au Maroc dans ce mois. En plus de la blessure, Abass doit patienter encore avant de reprendre les cours. « Durant tout le temps écoulé, je n’ai pas pu reprendre les cours. Je voulais m’inscrire mais mon papa m’a dit d’attendre quand je serai totalement guéri. Il  va m’inscrire l’année prochaine », déclare-t-il.

Des attentes d’évacuation

Comme Abass d’autres blessés attendent toujours d’être évacués pour poursuivre leurs soins aussi. C’est le cas d’Innocent G. Il a été touché à l’œil. « C’était le 30 octobre 2014 à Zogona, vers chez Assimi. On marchait et il y avait des militaires qui tiraient au hasard. C’est là que j’ai été blessé par une arme à feu », a-t-il expliqué en nous montrant son œil gauche bandé. Lui aussi attend une évacuation. « On m’a remis un papier pour être soigné en France. Mais jusqu’à présent, j’attends. Je ne sais pas quand je pourrai y aller pour recevoir des soins adéquats. » Il me présente un document. Les recommandations du soignant sont on ne peut plus claires :

« Cet état nécessite une réfection de la cavité orbitaire gauche avec confection de prothèse oculaire . Cette technologie étant irréalisable au Burkina, il est souhaitable que Monsieur… soit évacué en France dans un service de chirurgie orbito-palpébrale pour une prise en charge appropriée. »

Evoquant ce cas au directeur du CHU Yalgado Ouédraogo. Ce dernier avoue ne pas connaitre ce dossier mais promet vérifier sur leur liste. « C’est un dossier que j’ignore. Je vais vérifier son nom sur notre liste… Si ce monsieur fait partie de nos blessés et qu’il a des soucis, qu’il revienne » a déclaré Dr Robert Sangaré.

Le problème de prise en charge sociale

Les blessés que j’ai rencontrés sont unanimes. Ils ont bénéficié de soins gratuits. « Pour les soins, on s’est bien occupé de nous. S’il y a des produits à acheter, l’hôpital prend en charge », nous a confirmé Innocent G. « En termes de prise en charge, nous avons eu ce que notre pays pouvait nous offrir. Mais ce n’est pas suffisant », a ajouté le président de l’association des blessés de l’insurrection, Dramane Ouédraogo. « Jusqu’à présent il y a des gens qui marchent avec des sondes et il est nécessaire qu’on s’occupe d’eux » a-t-il poursuivi.

Ce qui a manqué, selon lui, c’est surtout la prise en charge sociale. Certains de ces blessés travaillaient dans l’informel. Aujourd’hui, n’étant pas encore rétablis, ils sont incapables de mener leur travail alors que les charges sociales ne manquent pas. C’est l’exemple de Rasmané Toudwéogo. « Il habite dans un non loti. Une fois il est venu pour des soins. Au retour, il a trouvé que les voleurs ont piqué sa porte et ses fenêtres. Actuellement il dort pratiquement dehors. C’était un maçon. Il ne travaille plus à cause de sa blessure. Comme il n’y a pas eu d’indemnisation, cette personne est laissée pour compte alors qu’il a des enfants à nourrir et à inscrire à l’école », a soutenu Dramane Ouédraogo.

Du point de vue politique, les blessés trouvent que le gouvernement est un peu « laxiste ». « On ne s’attendait pas à ce que l’on permette à nos bourreaux de continuer de régir ce pays jusqu’au point de faire un coup d’Etat », a soutenu Dramane Ouédraogo.  « Donc je dis que c’est un piètre résultat. Ces personnes auraient dû être arrêtées dès l’insurrection pour nous permettre d’aller à une démocratie réelle et à une alternance propre », a-t-il conclu

La réponse du gouvernement

Au-delà des cérémonies d’hommage de la journée du 31 octobre dédiée aux martyrs de l’insurrection, le gouvernement de la transition a annoncé des actions en leur faveur.  Dix décrets ont été adoptés à cet effet le 28 octobre 2015, pour organiser « les prises en charge et l’accompagnement psycho-social, financier, sanitaire, scolaire et alimentaire des familles des martyrs ». On peut citer, entre autres, l’accompagnement et la consolidation des activités et des projets d’activités génératrices de revenus des blessés à hauteur de 150. 000 FCFA, la prise en charge des enfants des victimes durant leur cursus scolaire, dans les établissements publics, jusqu’à leur majorité, à raison de 75 000 F CFA par enfant, ou la formation professionnelle de ces enfants avec une prise en charge de 300 000 FCFA, jusqu’à la majorité complète. Il y a également la poursuite de la prise en charge sanitaire gratuite et le ravitaillement en vivres aux blessés de l’insurrection et de la résistance. Ces mesures pourraient aider beaucoup de blessés pour leur rétablissement complet et la gestion de leurs charges sociales.

 


Gilbert Diendéré : la mémoire du régime de Blaise Compaoré

L’arrestation du général Gilbert Diendéré suscite de l’espoir chez beaucoup de Burkinabè. Au-delà de l’affaire du récent coup d’Etat manqué, les Burkinabè espèrent aussi voir la lumière sur d’autres dossiers pendants comme ceux de Thomas Sankara et de Norbert Zongo.

Le général Gibert Diendéré ! Même aux arrêts, l’homme suscite de la crainte pour les uns et des interrogations pour les autres. A lui seul, il détient un pan important de l’histoire récente du Burkina Faso.

Il détiendrait des informations sur plusieurs évènements que le pays a connus. Mais l’homme s’est toujours caché derrière son silence légendaire.  Ce qui est évident, pour avoir été le « bras droit » de Blaise Compaoré depuis longtemps, cet homme est une mine d’informations. Si l’on exploitait cette mine, on mettrait certainement la lumière sur beaucoup de dossiers pendants au Pays des hommes intègres. C’est un témoin clé des périodes révolutionnaires et post-révolutionnaires au Burkina Faso. « En août 1983, quand Thomas Sankara a proclamé la révolution, ils étaient trois officiers à ses côtés : Blaise Compaoré, Jean-Baptiste Lingani et Henri Zongo. Diendéré était le cinquième homme. En retrait certes, mais déjà au cœur du système », écrit Jeuneafrique.

 

Les quatre hommes forts de la révolution d'août 1983
Les quatre hommes de la révolution d’août 1983

Il est suspecté d’avoir des informations qui peuvent clarifier l’assassinat du chef de la révolution burkinabè. Le général Gilbert Diendéré, lui-même, a donné « sa version des faits » dans un livre de Ludo Martens (Sankara, Compaoré et la révolution burkinabè, EPO, 1989). « [Nous avons été prévenus] que Compaoré, Lingani et Zongo seraient arrêtés ce soir. […] Notre réaction a été qu’il fallait arrêter Sankara avant que l’irréparable ne se produise. […] Sankara tenait comme toujours son arme, un pistolet automatique, à la main. Il a immédiatement tiré et tué un des nôtres. À ce moment, tous les hommes se sont déchaînés ». Ce n’est que sa version.  Deux ans après, le capitaine Henri Zongo et le commandant Jean Baptiste Boukary Lingani sont accusés, à leur tour, d’avoir ourdi un complot pour éliminer le président Blaise Compaoré. Ils ont été passés par les armes le 19 septembre 1989.

D’ailleurs les avocats des parties civiles du dossier Thomas Sankara étaient convoqués le 17 septembre 2015 pour « prendre connaissance des conclusions des rapports de l’expertise balistique et de l’autopsie après exhumation des restes présumés » de l’ancien président. C’est la date du coup de force. Mais la mise aux arrêts du général peut faciliter l’avancée des enquêtes et lever le voile sur l’assassinat du président Thomas Sankara.

Après le coup d'Etat le général et ses soldats n'ont se sont pris aux médias
Photo J.Lompo le général et ses hommes avant l’échec du coup d’Etat

L’autre dossier, c’est celui du journaliste Norbert Zongo et ses trois compagnons. Là le général n’est pas directement impliqué. Mais étant donné que ce sont des éléments de l’ex-régiment de sécurité présidentielle qui ont mené l’opération macabre, il pourrait avoir des informations précises sur ce crime.

Mais ce n’est pas seulement sur ce genre de dossiers qu’on l’attend. Le fidèle parmi les fidèles de Blaise Compaoré peut avoir des informations aussi sur des crimes économiques ou autres malversations. C’est pourquoi certains pensent qu’il pourrait mettre en cause même certains membres du gouvernement de la transition ou des politiciens.

« J’invite la jeunesse à rester calme, à taire leur passion parce que Diendéré va nous éclairer, Diendéré va parler et il faut qu’il parle. (…) S’il disparaît, ce sera un pan entier de notre histoire qui va être enterrée. Même Blaise ne peut pas répondre à la place de Diéndéré. C’est le détenteur de l’histoire de notre pays. Si Diendéré parle, je pense que beaucoup de gens vont fuir ce pays. Que ce soit ceux qui sont dans le gouvernement de la transition ou ceux qui sont dans les partis politiques, beaucoup de gens vont fuir », soutient Valère Somé.

Alors on attend que le général Gilbert Diendéré parle. Mais pour l’instant, l’homme est accusé, entre autres d’ « atteinte à la sûreté de l’Etat», de « collusion avec des forces étrangères pour déstabiliser la sécurité intérieure », de « meurtres, coups et blessures volontaires, complicité de coups et blessures  et de destruction volontaire de biens ». En tout, celui qui s’est mis à la disposition de la justice burkinabè doit répondre à onze chefs d’accusation.


Burkina Faso : le nouveau lexique spécial coup d’Etat

Le lexique des Burkinabè s’est agrandi. Des mots que vous ne verrez jamais dans un dictionnaire : « Diendériser », « Ablasser », « Léoncer »… Mais au Burkina, ces mots ont actuellement un sens profond.

Tout en relayant les informations du putsh sur Internet, les internautes burkinabè ont tourné en dérision les acteurs de cette crise. Le tout-puissant général, a certainement eu pour son compte.

Ainsi la « diendérise » ou « diendérade » signifie désormais au Pays des hommes intègres « une grosse connerie sans pareille » comme un « coup d’Etat bête ». Les internautes ont créé aussi le verbe « léoncer ». Comprenez par-là « dormir » ou se reposer « s’assoupir pendant un événement important ». Je crois que ce mot fait allusion à Léonce Koné, vice-président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Celui-ci se serait assoupi lors de la rencontre avec les médiateurs de la Cédéao. L’autre star de ce nouveau lexique à la burkinabè est Achille Tapsoba. Ce dernier, membre du bureau exécutif national du CDP, a été arrêté par des manifestants alors qu’il serait en train de gagner le Ghana, pays voisin du Burkina. En fait il voulait « fuir ». C’est ainsi qu’« achiller » est devenu synonyme de « fuir ». Même si l’intéressé nie toute tentative de fuite, le verbe est créé.

Publication prise sur Facebook. Le tout nouveau dictionnaire ''LE PETIT ETALON'' est disponible aux éditions la RESISTANCE. Vous y trouverez des chroniques, des proverbes et surtout de nouveaux concepts. Il est gratuit – à Editions la Resistance-Burkina Faso.
Publication prise sur Facebook.
Le tout nouveau dictionnaire  »LE PETIT ETALON » est disponible aux éditions la RESISTANCE. Vous y trouverez des chroniques, des proverbes et surtout de nouveaux concepts. Il est gratuit – à Editions la Resistance-Burkina Faso.

Ce ne sont pas seulement les partisans du coup d’Etat qui ont inspiré les internautes. Ablassé Ouédraogo, du Faso autrement, en a eu pour son compte aussi. C’est vrai que depuis un certain temps ses sorties médiatiques laissaient à désirer. Sur les antennes de Rfi, le « Moagha » a soutenu l’amnistie pour les putschistes. Ce qui a enrichi le nouveau lexique des Burkinabè : « ablasser », signifierait « dire des stupidités ». Même les mots militaire et civil ont changé de signification. Désormais, il faut comprendre par « militaire » une personne ayant des armes, mais ne sachant pas s’en servir. En revanche, un civil  burkinabè est un « militaire très courageux », mais ne disposant pas d’arme. Les premiers sont accusés d’avoir mis du temps avant d’intervenir dans la crise alors que les seconds sont loués pour leur courage. Même les médiateurs de la Cédéao ont inspiré les internautes pour l’enrichissement du lexique burkinabè.  Ainsi « yayiboniser » =   faire une promesse que vous ne tiendrez pas et « mackysalliser » = ne pas dire la vérité. Le président Yayi Boni avait annoncé « la bonne nouvelle » dès le 18 septembre en parlant du projet d’accord. Ce projet d’accord a été rejeté par les populations. Ça y est ! Maintenant vous aussi, vous connaissez le nouveau lexique au Faso.

Mais chers lecteurs, c’est juste pour s’amuser après une semaine de folie. Une semaine pendant laquelle nous avons été beaucoup diendérisés et pendant laquelle on n’a pas pu léoncer comme on voulait. Au contraire on a passé le temps à achiller devant les éléments du RSP. Ceux qui sont venus aider nous ont yayibonisés. Ils nous ont même mackysallisés. La semaine était dure à telle enseigne que certains d’entre nous ont commencé à ablasser. Mais aujourd’hui, tout est en train de rentrer dans l’ordre. Je peux maintenant léoncer tranquillement.