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Burkina Faso : les Tops et les flops des 100 jours de Kaboré au pouvoir

Le 6 avril 2016 marque les 100 jours de Roch Marc Christian Kaboré à la tête du Burkina Faso. C’est aussi une occasion de donner une appréciation de ce bref temps passé au palais de Kossyam. 100 jours c’est peu pour un mandat de 5 ans. Mais on peut déjà voir ce qui va et ce qui ne va pas, même si c’est dans les intentions. Voici donc les tops et les flops du président Roch Marc Christian Kaboré.

  1. La volonté de créer des emplois pour les jeunes

Le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, avait fait de la création de l’emploi, l’un des points principaux de sa campagne. Rien de plus normal pour un pays qui sortait d’une transition après une insurrection populaire largement menée par des jeunes. Des jeunes qui sont, pour la plupart, sans emploi. Mais au-delà de la campagne, le président a essayé mettre en œuvre sa politique de création d’emploi dès les trois premiers mois qui ont suivi son investiture. Cela s’est manifesté par le lancement du recrutement d’enseignants pour le post primaire  4200 jeunes diplômés.   Ce recrutement, même à titre contractuel va permettre de résoudre un tant soit peu le chômage des jeunes.  A cela s’ajoute le recrutement de 9000 jeunes qualifiés ou non pour l’entretien du réseau routier national. Cela marque une certaine volonté des nouvelles autorités de lutter contre le chômage des jeunes. Même si cela est insuffisant. Il ne s’agit pas pour le moment pas d’emplois durables.

2. La gratuité des soins pour les femmes enceinte et les enfants de moins de 5 ans

La gratuité des soins pour les femmes enceinte et les enfants de moins de cinq ans est l’une de mesures sociales prises par les nouvelles autorités du Burkina Faso. Longtemps attendue, cette mesure est entrée en vigueur le 1er avril 2016 dans trois régions : le Centre, les Haut-bassins et le Sahel. Cette mesure devrait s’étendre progressivement sur toute l’étendue du territoire national. Elle va contribuer à soulager les populations et les encourager à aller rapidement dans les centres de soins. Elle va sans, doute contribuer, surtout, à réduire le taux de la mortalité infantile et maternelle. Si toutefois les produits prescrits par les infirmiers sont disponibles dans les dépôts pharmaceutiques des hôpitaux et autres centres de santé. Le président Roch Marc Christian Kaboré a également procédé au lancement de son programme de forage au profit des différentes localités du Burkina Faso. Il entend par ce programme mettre fin à la « corvée eau » des femmes burkinabè.

Photo Facebook  Le président Roch Marc Christian Kaboré à son investiture
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Le président Roch Marc Christian Kaboré à son investiture

3. La réduction du train de vie de l’Etat

Le gouvernement a annoncé sa volonté de réduire son train de vie . Ainsi de nombreuses dépenses ont été revues à la baisse. La mesure concerne principalement les baux administratifs, la gestion du parc automobile de l’Etat et la dotation en carburant au niveau des différents ministères. La ligne des achats de véhicules, par exemple, a été purement et simplement supprimée. Les baux administratifs, eux, ont coûté à l’Etat plus de 5 milliards 300 millions de francs CFA en 2015. Une dizaine de baux administratifs seront résiliés cette année. Neuf ministères pourront s’installer dans un pôle administratif d’ici septembre 2016.

4. Le présimètre

C’est une plateforme mise en place pour assurer une veille citoyenne pour « l’imputabilité politique et la redevabilité socio-économique » du gouvernement. En clair, par cette plateforme les citoyens peuvent suivre l’action du gouvernement en rapport à que le président avait promis lors de sa campagne. Mais jusqu’au moment où je trace ces lignes, la plateforme en ligne n’est pas encore fonctionnelle. C’est déjà une bonne volonté.

Photo capture sur le site. Le présimètre devrait être bientôt fonctionnel comme l'indique le site
Photo capture sur le site. Le présimètre devrait être bientôt fonctionnel comme l’indique le site
  1. La sécurité intérieure

Les nouvelles autorités ont été mal accueillies par les terroristes qui ont attaqué Ouagadougou une semaine après l’investiture du président Roch Marc Christian Kaboré. Difficile d’en vouloir aux nouvelles autorités pour cette attaque terroriste à l’heure où les pays les plus équipés n’arrivent pas à éviter des attaques sur leur sol. C’est quand même un mauvais point pour le nouveau gouvernement qui venait juste d’être installé. L’attaque a fait une trentaine de morts et de nombreux blessés.

  1. Autorité de l’Etat et insécurité

L’exemple parfait de la démission du gouvernement c’est le cas des groupes d’autodéfense appelés Kolgweogo. Initiés par les populations pour lutter contre le grand banditisme, ces groupes d’autodéfense se sont même donné le droit d’arrêter, de torturer ,et obligent les présumés délinquants à payer des amendes . Depuis plusieurs mois déjà, on  assiste à des abus sans que le gouvernement ne puisse mettre de l’ordre au sein de groupes d’autodéfense. Le soutien dont bénéficient ces milices au sein des populations, qui ont longtemps souffert de l’insécurité, fait que le gouvernement hésite à prendre une décision. « Force doit rester à la loi », c’est le refrain. Mais dans les localités concernées, la force est restée entre les mains ces groupes d’autodéfense qui n’hésitent même pas à défier les forces de sécurités.

L’autre point d’insécurité c’est la série d’incendies que le pays a connait depuis le début du mois de l’année 2016. Parmi ces incendies, il y a eu au moins 11 cas d’origine humaine.  Mais jusque-là, les enquêtes n’ont pas permis de désigner des coupables. Les incendies ont touché essentiellement les marchés. Et même les stands de la semaine nationale de la culture (SNC) n’ont pas échappé à cette série d’incendies.  Si  ils sont d’origines criminels, il est temps que les autorités mettent la main sur personnes.

 


Rencontres : Des Ouagalais cherchent des conjoint(e)s à la radio

Les émissions de rencontre ont fait leur entrée dans le paysage radiophonique burkinabè depuis quelques années. Et ces émissions sont toujours appréciées par les auditeurs. Ils demandent souvent de prolonger leur temps d’antenne sur les radios. Décriées ou appréciées, les émissions de rencontre inondent les ondes des radios de Ouagadougou.

S’il y a des émissions qui ont de l’audience, c’est bien les émissions de rencontre sur les chaines de radios. «  Je suis un jeune, âgé de 30 ans. Je mesure 1m 80, avec 75 kg. Je suis fonctionnaire, de religion …. J’aimerais rencontrer une fille de 23-26 ans, élève ou étudiante pour  une amitié sincère pouvant conduire au mariage ». Il est 9h et quart à Ouagadougou.

C’est par cette présentation succincte sur les ondes d’une radio de la capitale burkinabè que ce jeune fonctionnaire espère trouver sa conjointe. Comme lui, beaucoup de jeunes croient en la magie de la radio pour rencontrer leurs conjoints ou conjointes. Sur la même radio, le téléphone ne cesse de crépiter. C’est la preuve que ces émissions sont suivies et bénéficient d’une grande participation des auditeurs « prétendants ».

Cette fois-ci, c’est une jeune fille. « Je suis une fille de 24 ans. Ma taille, c’est 1m65 et j’ai 57 kg. Je suis au secteur …de Ouagadougou. Je désire correspondre avec un homme ayant une situation stable, avec au moins 1m80, commerçant ou militaire. Mais un homme qui n’est pas gros », annonce-t-elle. Lorsque l’animatrice lui demande ce qu’elle « fait dans la vie », elle répond : « je me débrouille ». Après chaque présentation, l’animatrice prend l’auditeur ou l’auditrice, « hors antenne », pour recevoir ses coordonnées afin de les transmettre à qui voudrait lier amitié avec celui-ci ou celle-ci.

« Les gens ne sont pas sérieux »

Dans le flux des appels téléphoniques et des annonces, un autre appel vient casser le rythme de l’émission. C’est une auditrice. Elle se plaint : « Les gens ne sont pas sérieux. Ils viennent prendre les numéros, et c’est pour jouer avec les gens. Moi, je veux quelqu’un de sérieux, qui a une situation stable pour me gérer ».

L’animatrice essaie alors de la rassurer. « Souvent les auditrices aussi ne disent pas la vérité dans les annonces. Si tu dis que tu es une femme claire. Le gars viens, il trouve que ce n’est pas le cas, il ne va plus revenir », explique l’animatrice.  « Pourtant j’avais tout donné », rétorque l’auditrice à l’autre bout du fil. Souvent la présentation faite à la radio ne correspond pas au physique des uns et des autres.

 

Pour certains auditeurs la radio est un moyen pour trouver un(e) conjoint(e)
Pour certains auditeurs la radio est un moyen pour trouver un(e) conjoint(e)

Notre auditrice n’aura pas à attendre pendant longtemps pour entendre encore quelqu’un qui s’intéresse à elle. Une dizaine de minutes après, un homme appelle. « Moi, c’est du sérieux que je veux. Je demande le numéro de la femme qui vient d’appeler. Si elle est sérieuse, on peut s’entendre. Je viens prendre son numéro », dit-il. Je me suis dit que cette fois, c’est la bonne pour notre auditrice. « Elle aura de la chance », dis-je. Mais l’homme donne une dernière condition : « j’ai déjà une femme. Si cela ne lui pose de pas de problème… ».

« C’est pour que chacun trouve un partenaire »

La question que je me pose, est la suivante : ces relations aboutissent-elles vraiment à des amitiés sincères et ou au mariage ? C’est une consœur qui a  la réponse. Elle anime une émission similaire sur les ondes d’une autre radio à Ouagadougou depuis plusieurs années. Elle est catégorique :

« Bien sûr. Il y a des relations qui aboutissent au mariage. La preuve, en 2014, il y a eu un mariage à l’hôtel de ville grâce à notre émission. Il y a aussi une auditrice qui a appelé en janvier 2016 pour nous remercier d’avoir rencontré quelqu’un avec qui elle s’est fiancée. Il y a plusieurs personnes qui nous appellent pour nous remercier. Il y en a aussi chez qui ça marche mais qui ne se manifestent pas toujours ».

Mais chez certains aussi dès la première rencontre l’un des deux est déçu de l’autre. Donc l’amitié ne va pas plus loin.

Dans tous les cas, c’est l’objectif poursuivi par les radios qui diffusent ces émissions. Et notre animatrice du jour de le préciser à ses auditeurs : « le but de l’émission c’est pour que chacun trouve un partenaire. On veut que chacun ait un foyer. C’est ça le but de cette émission».

Voilà un objectif qui est noble. Mais tous n’ont pas le même objectif. Il y aussi des plaisantins. Ceux-là veulent « s’amuser ». C’est pourquoi, d’ailleurs certaines filles précisent, « plaisantins s’abstenir ». J’ai remarqué que les auditrices surtout conditionnent toujours la relation avec leur partenaire par une « situation stable ». Cette condition revient toujours. Les hommes eux cherchent toujours des femmes moins âgées, des « célibataires sans enfants ».

Pourquoi le choix de ces canaux ?

On trouve plusieurs catégories de personne s’intéressent à ces émission. « L’âge varie entre 22 et 60 ans », me confie ma consœur de l’émission « Contact pluriel ». Pourquoi le choix de ce canal ? Je n’ai pas la réponse à cette question. Certains auditeurs, surtout les auditrices, se croient avancées en âge. Par conséquent, il faut frapper à toutes les portes pour trouver l’âme sœur avant de « vieillir ». La société est toujours cruelle avec les femmes avancée en âge et qui n’ont pas de maris. Pour elles, c’est la course contre la montre. Souvent, elles ont déjà un enfant. Cela complique bien l’affaire.

D’autres, je crois, ont été trompé (e)s et déçu (e)s par des relations antérieures. Cette catégorie de personne se tourne vers ce canal pensant trouver la conjointe ou le conjoint. Et si ce n’est pas le cas, il ou elle n’aura pas trop de mal à gérer. Le problème c’est ces personnes risquent de se faire mal encore.

 

La dernière catégorie. C’est celle des « plaisantins ». Ce sont des prédateurs des deux premières catégories d’auditeurs et auditrices des émissions de rencontre. Elle voit les autres comme des proies. Ils ne sont pas sérieux. Ils aiment profiter de l’occasion pour abuser des autres. Et c’est contre eux que l’animatrice vociférait : « De grâce ne transformez pas notre émission à autre chose ».

Il est 10h passées de plusieurs minutes. L’animatrice va arrêter l’émission du jour et donner un autre rendez-vous à ses auditeurs et auditrices. Mais ceux qui se sentent intéressés peuvent passer au siège de la radio pour  prendre connaissance des annonces et prendre les contacts après échanges avec l’animatrice. Les auditeurs reviendront encore faire leurs annonces, comme on le dit à Ouaga, « déposer leur dossier ». Avec les risques que cela comporte.


Burkina Faso – Côte d’Ivoire : Alassane Ouattara « amnistie » Blaise Compaoré

Blaise Compaoré est désormais ivoirien. C’est une nationalité qui vaut une « amnistie » pour l’ancien président du Faso. Il est visé par un mandat d’arrêt international émis par la justice de son pays notamment pour son implication dans l’assassinat de l’ancien chef d’Etat Thomas Sankara. Compaoré pourrait ainsi échapper à la justice de son pays grâce à son hôte, le président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara.

Les rumeurs couraient déjà depuis le mois de janvier 2016. Cette fois-ci c’est officiel : Blaise Compaoré a obtenu la nationalité ivoirienne. « Réfugié » depuis le 31 octobre 2014 en Côte d’Ivoire, l’ancien président burkinabè est finalement devenu ivoirien. Son frère, François Compaoré, a aussi été fait ivoirien.

Le président Alassane Dramane Ouattara a signé le décret qui accorde la nationalité ivoirienne à Compaoré en novembre 2014, à peine un mois après le départ forcé l’ex chef d’Etat et son exil à Abidjan. Mais cela n’a été publié au journal officiel qu’en janvier 2016, après qu’un mandat d’arrêt international soit lancé contre l’ancien président, en décembre 2015.

« Le décret numéro 2014-701 ne fait qu’une vingtaine de lignes. Signé d’Alassane Ouattara, il annonce sobrement, que suite à sa demande, Blaise Compaoré, né en 1951 à Ouagadougou, est naturalisé ivoirien. Le décret suivant annonce, lui, la naturalisation de François Compaoré, le frère de l’ancien président burkinabè ». (RFI)

La justice burkinabè veut entendre Blaise Compaoré, il est inculpé pour son rôle présumé dans l’assassinat de l’ancien chef d’Etat Thomas Sankara en 1987 lors d’un coup d’Etat. C’est ce coup d’Etat qui porta Compaoré au pouvoir… jusqu’à sa chute  en octobre 2014. Il est également accusé d’attentat contre la sûreté de l’Etat, de complicité d’assassinat et de complicité de recel de cadavre.

Une nationalité pour échapper à la justice

La demande et l’obtention de la nationalité ivoirienne par les frères Compaoré vise surtout à échapper à la justice burkinabè. Le nom du frère, François Compaoré, a souvent été cité dans l’enquête sur l’assassinat du journaliste Norbert Zongo. Le journaliste a été assassiné alors qu’il enquêtait sur la mort de David Ouédraogo, chauffeur du « petit président »(François), tué par les éléments de l’ex-régiment de sécurité présidentielle (RSP).

En prenant la nationalité ivoirienne les deux frères Compaoré semblent échapper à la justice du Burkina Faso.Grâce à cette nouvelle nationalité, le président ivoirien – ami de Blaise Compaoré – a désormais un excellent prétexte pour ne pas les livrer à la justice de leur pays. L’extradition n’est pas pour demain.

La naturalisation sonne comme un échappatoire à la justice burkinabè
La naturalisation sonne comme un échappatoire à la justice burkinabè

Mais en choisissant de fuir, les frères Compaoré donnent raison à leurs détracteurs. Comme s’ils se savaient déjà coupables. Est-ce que le parapluie de la nationalité ivoirienne peut les protéger indéfiniment ? Un changement de régime pourrait-il faire changer les choses ? Une nationalité signée par décret ne protège pas d’une extradition.

Un arrangement entre autorités ivoiriennes et burkinabè ?

Et si personne n’avait intérêt à voir Blaise Compaoré devant la justice ? Peut-être que cette nationalité toute neuve arrange et les autorités burkinabè et les autorités ivoiriennes. Alassane Dramane Ouattara le protège par devoir de reconnaissance ; nul doute aujourd’hui que le président ADO a bénéficié du soutien de Blaise Compaoré dans sa quête du pouvoir (sans parler du soutien de Guillaume Soro, président de l’assemblée nationale ivoirienne).
Quant aux autorités actuelles du Burkina Faso, elles ont travaillé avec Blaise Compaoré pendant plus de deux décennies. Roch Marc Christian Kaboré, le président burkinabè, Simon Compaoré, son ministre de la sécurité intérieure et le président de l’assemblée nationale du Burkina, Salif Diallo, étaient tous des poids lourds du parti de Blaise Compaoré, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Ils étaient très proches du président, ses « bras droits », jusqu’à ce que Compaoré décide de les écarter du parti. Aujourd’hui peut-être qu’ils n’ont pas intérêt à ce que certains dossiers soient ouverts.

Alors on décide, au nom de l’amitié entre les deux pays et pour calmer les choses, de livrer les « petits poissons ». Les éléments de l’ex- régiment de sécurité présidentielle (RSP), l’unité responsable du coup d’Etat avorté du 17 septembre qui a secoué la transition burkinabè pendant une dizaine de jours, sont extradés au Burkina. « Rambo » (Moussa Nébié, l’adjudant chef du RSP) et ses compagnons, qui étaient réfugiés à Abidjan, ont été arrêtés et sont désormais entre les mains de la justice militaire burkinabè. Le gouvernement burkinabè « salue » l’action de la Côte d’Ivoire alors que les « gros poissons » « se la coulent douce » en terre ivoirienne, pays d’hospitalité. Et tout le monde est tranquille.

 

 

 


Putsch manqué du 16 septembre : Fin de cavale pour Rambo

Recherché depuis plusieurs mois, l’adjudant-chef, Moussa Nébié dit Rambou, a été arrêté le 19 février 2016 par les autorités ivoiriennes et remis au autorités burkinabè le samedi 20 février 2016. il est accusé d’avoir partcipé au coup d’Etat manqué du généla Gilbert Diendéré.

Selon des sources gouvernementales, l’adjudant-chef, Moussa Nébié dit Rambo a été arrêté en Côte d’Ivoire et remis aux autorités burkinabè le samedi 20 février 2016. Mais Rambo n’est pas le seul à rejoindre le bercail dans cette situation. Il y a également, selon les mêmes sources, deux civils. Il s’agit d’Abdoul Karim Sawadogo et Ali Koné. Les deux c’étaient aussi réfugiés en Côte d’Ivoire, suite au coup d’Etat manqué du général Diendéré, le 16 septembre 2015.

Les autorités du Burkina avaient émis mandat d’arrêt contre l’adjudant-chef, Moussa Nébié et le sergent-chef, Roger KOUSSOUBE. Tous ont été extradés selon le service d’information du gouvernement.

Après le coup d'Etat le général et ses soldats n'ont se sont pris aux médias
Photo/J.Lompo.  Après le coup manqué d’Etat le général est arrêté et certains de ses proches collaborateurs ont trouvé refuge en Côte d’Ivoire

 

Rambo, un des « bras droit » du général Gilbert Diendéré

Ces soldats de l’ex-régiment de sécurité présidentielle (RSP) sont cités comme des proches et complices du général Gilbert Diendéré dans le coup d’Etat manqué du 16 septembre 2015. ils avaient trouvé refuge en Côte d’Ivoire après le coup d’Etat manqué et que le général Diendéré se soit rendu à la nonciature dans l’optique de se mettre à la disposition de la justice. Selon le rapport de la commission d’enquête sur le putsch, Moussa Nébié est fortement impliqué dans la prise d’otage du président et des deux ministres.

« C’est Moussa Nébié qui avait conduit le commando durant la prise en otage du président de la transition et des membres du gouvernement. Après l’échec du putsch, Moussa Nébié et une dizaine de soldats de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle s’étaient enfuis vers la Côte d’Ivoire. Et faisait l’objet d’un mandat d’arrêt international lancé par la justice militaire burkinabè ».

Des petits poissons pour baisser la tension entre les deux pays

L’arrestation et l’extradition de Rambo et des deux civils sonnent comme un geste des autorités ivoiriennes pour faire baisser la tension entre les deux pays. De son côté, le gouvernement burkinabè, dans un communiqué, « salue cette action et félicite les autorités ivoiriennes pour leur collaboration ». Et d’ajouter qu’elle fait suite « aux démarches entreprises par les autorités burkinabè et ivoiriennes de travailler en étroite collaboration pour la sécurisation des deux pays et de la sous-région ».

Les deux pays frères ont une situation très tendue suites aux mandats d’arrêts internationaux lancés d’abord contre Blaise Compaoré et ensuite et surtout contre Guillaume Soro pour implication dans la tentative de coup d’Etat du généra Gilbert. Il est accusé par la justice burkinabè d’avoir soutenu le putsch manqué. Guillaume Soro, étant le président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, cette action avait déclenchée la furie des autorités ivoiriennes. Mais la présidence ivoirienne a toujours affirmé « sa ferme volonté de régler cette question par la voie diplomatique dans le respect des accords qui nous lient, afin d’éviter tout différend entre nos deux États ».

L’arrestation et l’extradition de soldats de l’ex-rsp est un bon signe pour le Burkina Faso. Il est signe que les autorités ivoiriennes ne toléreront plus que des individus se servent de leur pays comme base-arrière pour attaquer un autre en l’occurrence le Burkina Faso.

 


Burkina Faso : des groupes d’autodéfense défient les forces de sécurité

On a frôlé l’affrontement le 18 février 2016 entre des structures d’autodéfense appelées « koglweogo » et des forces de sécurité dans la province du Ziro, dans la région du centre-ouest du Burkina Faso. Une situation qui rappelle au gouvernement la nécessité de trouver une solution pour ces structures d’autodéfense sans compromettre la sécurité du pays.

Ils sont applaudis par les populations, décriés par les spécialistes du droit et susceptibles d’être recadrés par les autorités. Eux, ce sont les « koglweogo ». Face à l’impuissance de la police à mettre fin aux vols et braquages à répétition dans les différentes localités du pays, les populations ont pris les devants. Elles se sont organisées en instaurant leur propre « police » : les « kolgweogo ». Ce terme, en langue moré, signifie littéralement « protéger de la brousse ». Ce sont des groupes d’individus chargés de démasquer et d’arrêter les braqueurs, « coupeurs de route » et autres délinquants. Alors que le gouvernement réfléchit sur la façon de les mettre en conformité avec la loi, un incident les a opposés le 18 février aux forces de sécurité à Sapouy suite à l’arrestation d’un présumé voleur de bœuf. Les choses sont rentrées dans l’ordre sans affrontement, mais cet incident montre qu’il y a urgence à agir.

Les pratiques des koglweogo sont de plus en plus décriées
Les pratiques des koglweogo sont de plus en plus décriées

De l’impuissance de l’Etat

« Si on ne fait pas attention, viendra un jour où même si on mettait un commissariat de police devant chaque concession, on ne pourra pas arrêter les voleurs et les bandits de grands chemins », disait Norbert Zongo. L’Etat, qui doit assurer la protection de ses citoyens, a du mal à remplir ce devoir. Les forces de l’ordre sont le plus souvent absentes des zones où les malfrats opèrent. Et quand elles sont présentes, elles sont mal équipées ou en sous-effectif. Des commissariats de police et des brigades de gendarmerie ont été installés dans certaines localités pour lutter contre le grand banditisme. Mais mal équipés, policiers et gendarmes sont sans force. Souvent moins armés que les malfrats, les policiers ont peur de les affronter. « Quand on appelle les forces de sécurité pour un cas de braquage, ils traînent avant d’arriver, de sorte à ne plus avoir à trouver les braqueurs dans la zone », expliquait un habitant de la région de l’Est du Burkina. « Souvent, quand on les [les braqueurs] arrête, quelques temps après, on les libère. Et ceux qui les ont dénoncés sont maintenant en insécurité », soutient un autre policier, qui doute de la volonté de la justice et de sa capacité face au banditisme.

Tout cela a conduit les populations à vouloir prendre en main leur sécurité. Sur le terrain, les populations locales apprécient ces milices d’autodéfense. Depuis leur constitution, les actes de braquage ont connu une forte baisse dans certaines localités. Les milices sont sans pitié pour les braqueurs et autres bandits de grand chemin. « Ce sont eux qui ont fait reculer le vol ici. Il y a des lieux où, aujourd’hui, si votre argent tombe au marché, même si on ne vous retrouve pas, les gens vont le ramasser et le remettre au kolgweogo », déclare A. Ouédraogo. Beaucoup de citoyens burkinabè les applaudissent, les résultats étant selon eux « probants ». D’autres, par contre, sont indignés par la forme que ces groupes d’auto-défense ont prise.

Des abus

Le problème, c’est que certains de ces groupes fonctionnent sans aucune base légale. D’autres agissent au mépris des règles du droit. Ils sont aussi accusés d’abus par leurs victimes et les spécialistes du droit. Certains présumés braqueurs n’ont pas résisté aux sévices qui leur ont été infligés. Les milices arrêtent les voleurs, les bastonnent et leur font payer des amendes.

«Les gens s’y sont organisés en association et tiennent des réunions. Ils auraient même fixé des amendes de l’ordre de 15 000 à 1000 000 FCFA, lorsqu’ils prennent quelqu’un qui semble avoir posé un acte répréhensible et cette association commence à bien vivre sans récépissé », déclare un responsable administratif dans la région du Centre-Est.

Ainsi s’est constituée une justice parallèle. Pour les syndicats des magistrats, « il est bien de noter que ces structures ont institué une justice privée dans laquelle elles assurent les fonctions de police judiciaire, de poursuites, de jugement et de détention pénitentiaire, le tout sur la base de « leurs propres lois. » C’est pourquoi ils demandent la suppression pure et simple de ces structures. Le comité intersyndical des magistrats s’interroge sur la volonté affirmée des pouvoirs publics de reconnaître de telles structures alors même qu’elles sont illégales par nature, que leur action est basée sur la violation de la constitution, des lois et règlements, et leurs prouesses fondées sur la négation répétée et continue des libertés et des droits fondamentaux. Mais les groupes d’autodéfense ont une histoire.

L’histoire des kolgweogo

L’expérience de ces groupes d’auto-défense viendrait de la région du Nord du Burkina, selon un consultant du ministère de la sécurité intérieure en charge de la police de proximité. « L’histoire des koglwéogo remonte à l’époque où nous avions mis en place le premier plan quinquennal de la police de proximité (dès 2005, ndlr). Effectivement, en son temps, dans le Yatenga, la zone était infestée de délinquants rendant toutes les activités économiques difficiles. Ces structures ont donc collaboré avec policiers et gendarmes et les résultats étaient vraiment salutaires. Ce qui a valu aux koglwéogo de Ouahigouya la médaille d’honneur de la police, pour cause d' »activités bien menées » », déclare Nanoussa Gansoré. Selon ce dernier, l’implication de ces structures comme police de proximité avait permis d’engranger de bon résultats.

L’action réelle de ces koglwéogo ne consistait pas à attraper un délinquant, de le juger mais à faire un diagnostic sécuritaire de chaque localité et de s’asseoir ensemble pour trouver des solutions. Etant donné que, dans la lutte contre l’insécurité, la prison n’a jamais apporté de solution et que l’emprisonnement génère actuellement plus de problèmes qu’il n’en résout. Travailler à éradiquer les causes fondamentales de l’insécurité constitue le véritable défi à relever, et c’est la raison de la présence de la police de proximité et des koglwéogo.

Encadrer ou supprimer les koglweogo ?

Aujourd’hui, l’Etat est face à sa responsabilité. Supprimer ou encadrer les structures d’autodéfense ? Le gouvernement semble opter pour la seconde possibilité. Si les structures d’autodéfense veulent continuer à exister, elles doivent se conformer à la loi.  «Les koglwéogo sont utiles, à condition qu’on les mette sur les rails, qu’ils exercent dans un cadre légal et qu’ils n’outrepassent pas leur compétence », a déclaré le ministre de la sécurité intérieure, Simon Compaoré. Et d’ajouter : « ce sont des initiatives qui, à l’heure où nous parlons, sont intéressantes. Mais, ce sont des initiatives qu’il faut canaliser : former, contrôler, suivre, etc. »

Pour le consultant du ministère de la sécurité au titre de la police de proximité, ces structures peuvent être bien encadrées et jouer le rôle de police de proximité. « Déjà à travers la loi 032 (qui porte la police de proximité) et le décret 45, qui organise justement ces communautés-là, on constate que le cadre existe. Il ne reste qu’à travailler à ce que l’on adopte le décret, du moment que la stratégie nationale de sécurité a été adoptée et qu’elle intègre les initiatives locales de sécurité. Donc, comme le cadre réglementaire et légal existe, il suffit juste de sensibiliser les populations, de leur proposer un mécanisme organisationnel et de rendre officielle leur existence ». Le débat se poursuit donc, mais il est urgent de trouver une solution à cette situation, afin que les dérapages cessent.